Située à moins de quatre kilomètres de Dakar, au centre de la rade que forme la côte sud de la presqu'île du Cap-Vert, l'île de Gorée offre un abri sûr pour le mouillage des navires. De ce fait, elle a été, depuis le XVe siècle, un enjeu entre diverses nations européennes qui l'ont successivement utilisée comme escale ou comme marché d'esclaves.
Appelée " Beer" en wolof, elle a été baptisée "Goede Reede" par les Hollandais, pour être connue plus tard sous le nom de Gorée. Elle offrait, surtout à la fin du XVIIIe siècle, le double visage d'un carrefour prospère, où commerçants, soldats et fonctionnaires vivaient dans un décor de rêve, et d'un entrepôt de "bois d'ébène", avec tout son cortège de souffrances et de larmes.
Cette dualité s'est inscrite dans l'aspect physique de Gorée : au premier abord apparaît l'harmonie du site naturel avec les forts et les édifices publics aux lignes classiques, et surtout avec les maisons parées de toutes les teintes de vieux rose, qui laissent deviner, entre leurs arcades, le bleu de la mer et le vert des jardins intérieurs, où, à l'abri des vents atlantiques, s'ouvrent les vérandas à colonnes, les escaliers en fer à cheval, les allées de basalte poli. Un grand nombre de ces maisons abritaient, dans leur sous-sol, l'esclaverie où étaient parqués hommes et femmes, le plus souvent jeunes, destinés aux plantations et aux ateliers des Amériques. Dans des caves humides et sombres, ou dans des cachots de torture pour ceux qui se révoltaient, les déportés séjournaient durant des semaines, dans l'attente du voyage sans retour.
Là, au moment d'embarquer, chaque esclave était marqué au fer rouge, à l'emblème de son propriétaire. Puis les esclaves étaient entassés dans les cales, où beaucoup d'entre eux devaient périr avant l'arrivée à destination.
Mais l'Amérique, dont la colonisation a été à l'origine de cette tragique déportation, allait être également le cadre de grandes luttes libératrices qui, peu à peu, y mettront fin. Préparée par le triomphe de la Révolution Haitienne à Vertières en 1803, et proclamée au Congrès de Vienne en 1815, l'abolition officielle de la traite négrière produisit ses effets sur Gorée.
Dès 1822, des institutions éducatives y prennent naissance. Devenue centre administratif et scolaire, l'île abrita notamment l'école normale fédérale de l'Afrique-Occidentale française, connue surtout sous le nom d'École William-Ponty, qui forma les cadres africains dont plusieurs devaient, plus tard, contribuer à la décolonisation de l'Afrique subsaharienne. Par la suite, Gorée a connu une longue période de déclin.
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